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Corentin Marillier

Aurélien Dumont - "L'altérité et le goût pour l'anecdote"

Dernière mise à jour : 4 mars 2022


Aurélien Dumont (*1980) est un compositeur français qui partage sa vie entre Paris et le Japon.

La musique d'Aurélien aime s'amuser avec notre perception. Elle joue avec notre mémoire auditive et réveille des souvenirs en empruntant à la musique du passé.

Aurélien mène depuis plusieurs années plusieurs collaborations avec des poètes, philosophes et écrivains français ce qui l'amène à questionner le lien entre musique et littérature notamment avec des oeuvres scéniques dont la plus récente "Black Village" a été crée en 2019 par l'Instant Donné.

J'ai eu le plaisir de rencontrer Aurélien à Royaumont l'été dernier alors qu'il était professeur invité lors de l'académie de composition et que j'étais moi même invité en tant que percussionniste.

Notre rencontre rencontre a eu lieu chez lui à Paris.


En commençant à préparer cet entretien, je suis tombé sur un article de Pierre Rigaudière qui te qualifiait de compositeur « littéraire ». Je me suis demandé si ta passion pour la littérature t’était venue dès l’enfance ou l’adolescence ?

J’avoue que ma passion pour la littérature est venue bien plus tard, je n’ai commencé à m’y intéresser qu’après le lycée, lorsque j’ai rencontré Dominique Quélen, poète devenu depuis un ami des plus proche, et qui m’a ouvert les yeux sur beaucoup de choses. J’ai suivi une terminale scientifique et rétrospectivement je nourris quelques regrets de ne pas avoir fait une terminale littéraire. Je pense que je n’avais pas la maturité suffisante : les matières littéraires ne m’intéressaient absolument pas et il m’arrivait même de sécher les cours de philosophie pour aller boire des bières avec mes amis !

Je suis venu à la musique assez tardivement. Je jouais du hautbois dans l’harmonie du coin et j’avais un groupe de jazz/rock où je jouais de la guitare basse. Lorsque j’ai terminé le lycée, je me suis lancé dans des études de médecine : si je voulais réussir ma première année, je devais bachoter du matin au soir, nuit comprise. C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience que je ne pouvais pas vivre sans musique et le fait de devoir renoncer à ma pratique musicale, si modeste fut-elle, me bouleversait. Finalement j'ai interrompu mes études de médecine et j’ai débuté un cursus de musicologie à l’université de Lille. Petit à petit j’ai rattrapé mon retard même si je pense avoir tout fait à l’envers…


Un retard que tu as rattrapé aussi sur le plan littéraire ? Au vu de tous les projets que tu mènes avec des écrivains…

Il me reste des lacunes, des manques, des choses auxquelles je ne me suis pas encore confronté, Proust par exemple, mais ça viendra, j’en suis sûr. Dominique (Quélen) m’a fait aimer la littérature par la contemporanéité, c’est pourquoi j’ai lu beaucoup d’auteurs récents. J’ai besoin d’un peu plus de temps pour lire les choses plus anciennes. Les regrets sont toujours persistants car si j’avais été plus présent au Lycée, j'aurais peut-être été marqué par des ouvrages qui auraient semé d’autres petites graines…



Ton intérêt pour la littérature se ressent déjà à la lecture de certains titres. Par exemple: Fables asséchées, Echapées pauses pluitées, Gruau d’agrumes, Flaques de miettes. Il y a un plaisir du mot, de la métaphore, de la musicalité de la langue.


C’est en train d’évoluer, et je pense que je n’utiliserai plus ces titres-là aujourd’hui. Je ne les renie pas mais comme me dit souvent mon épouse japonaise, « ils sont trop français ». Ce sont des titres qui me paraissent trop poétiques par certains aspects. Je me demande à quel point ils peuvent être saisis par des personnes issues d’autres cultures. Si l’on évoque la question de la mondialisation culturelle, jouer la carte du « compositeur français », en mettant en avant ce côté un peu « précieux » de notre culture, porte le risque de paraitre réducteur ou caricatural. J’ai plutôt envie de me nourrir non seulement d’où je viens mais de ce qui me lie à l’autre, et la relation que j’entretiens avec le Japon depuis plusieurs années n’y est pas étrangère. Lors de mon premier voyage, je me suis rendu compte que l’on pouvait penser le monde d’une manière complètement différente. Malgré l’évidence derrière ces mots, le fait de s’en rendre compte physiquement, visuellement et sensiblement est quelque chose qui ne peut manquer de laisser des traces. Aujourd’hui je pense être « sorti » de ces titres, qui marquent une période de mon travail. J’essaye désormais de limiter mes titres à un seul mot et d’en éliminer toute forme de connotation, sauf si un principe ironique s’impose à l’œuvre. Le titre est en effet connecté au contenu de la pièce. Sa recherche est souvent laborieuse, et peut prendre autant de temps que l’écriture musicale elle-même.



Revenons à ton parcours, tu entres en classe de composition dans la classe de Gérard Pesson au CNSMDP. Avant de parler de vos quelques ressemblances, peux-tu me décrire la rencontre avec lui ?


Si je visualise mon parcours, j’ai parfois l’impression que tout cela est un grand malentendu… Je reviens quelques années en arrière et à mes cours de musicologie à Lille. Il se trouve que la spécialité de cette université était la musique contemporaine, que je ne connaissais pas du tout. Un épisode dont je me souviendrai toute ma vie fut mon premier cours d’histoire de la musique : l’opus 7 (1910) d’Anton Webern pour violon et piano. Pour un jeune musicien inexpérimenté comme moi, qui jouait dans l’harmonie du village, connaissant à peine Bach, Mozart et pas grand-chose d’autre, ce fut un choc. Un mélange d’amour/haine, une grande incompréhension couplée à une forte volonté de comprendre. D’ailleurs la première chose que j’ai faite en sortant du cours fut d’aller acheter le disque. C’est par cette porte que j’ai découvert le monde de la musique contemporaine. Petit à petit, je me suis formé à la composition en autodidacte, aidé par certains professeurs, Ricardo Mandolini et Francis Courtot. À vingt-sept ans, c’est la dernière année où je peux tenter le concours d’entrée au CNSM. Ce que j’ai fait pour ne pas avoir de regrets. Lorsque j’ai pu choisir mon professeur, je connaissais et appréciais beaucoup la musique de Gérard Pesson.


Gérard Pesson, grand mélomane, ayant aussi un goût prononcé pour la littérature et les œuvres du passé. Est ce que c’est une passion où vous vous êtes retrouvés ?


Gérard m’a apporté tant de choses, dont de très nombreuses discussions passionnantes sur des sujets littéraires, conceptuels et bien sûr musicaux. Mais à vrai dire, cet intérêt pour la musique du passé, qui deviendra si importante pour moi dans la suite de mon travail, émane également des cours d’analyse de Claude Ledoux au CNSM. Il s’agissait de cours spécifiques pour les compositeurs, qui s’ancraient principalement sur les musiques du passé, car en général nous avions une bonne connaissance des musiques du XXe et du XXIe siècles.

Mais la manière très personnelle dont Gérard a déployé son rapport aux œuvres du passé dans sa musique a pu inspirer mon travail autour de ce que j’appelle les Objets Esthétiquement Modifiés (O.E.M).


Jaimerai que l’on parle justement de ces fameux O.E.M qui sont partout dans ta musique. Il s’agit pour toi de prélever dans la musique du passé des éléments musicaux que tu modifies et recomposes au niveau du rythme, du timbre, de la nuance, etc. Avant d’entrer dans les détails de leur utilisation dans ta musique, j’aimerais que tu me parles de leur conception. Je discutais dans une autre interview du concept d’écoute intérieure et il me semble que tu travailles ce concept d’une manière extrêmement poussée lors de la composition de ces O.E.M.

Cette écoute intérieure est fondamentale et en effet je ne travaille jamais au piano. Elle se développe grâce à une accumulation d’expériences que l’on a avec les musiciens et, dans mon cas, par une volonté d’élaborer une musique à base d’objets. Je pense ces objets comme de petites structures orchestrées au sein desquelles s’exprime une dimension holistique. Cette dimension est ce qui est le plus important dans ma musique. Cela signifie qu’un objet sonore appartient à une dimension supérieure aux éléments qui le constituent. J’essaie de ne pas composer en termes de paramètres, de ne pas disséquer en séparant les hauteurs du rythme, les nuances du timbre, etc… Ce qui m’intéresse c’est de penser l’objet musical comme un tout qualitatif et vivant, et lui insuffler une dimension sémantique, sans pour autant considérer que la musique soit un langage (c’est une question qui reste non tranchée pour moi à cet instant).



Est-ce que tu poursuis ces collaborations ou expérimentations avec les musiciens ?


J’expérimente de moins en moins car j’ai le sentiment que la quête du « son pour le son » est une idée qui va en s’éloignant – peut-être que cela reviendra. Au fil des années, j’ai développé des techniques qui me permettent de réaliser des objets musicaux qui me sont propres. Mon travail s’oriente désormais vers la recherche de nouvelles formes musicales. Mes dernières pièces tentent d’explorer cela : « Un regret de bouillabaisse » est une pièce pour un violoncelliste, chef cuisinier et électronique ; mon dernier quatuor à cordes « Brèches » inclut des peintures de Vincent Dulom sur scène, leur conférant presque le rôle de cinquième musicien ; je réfléchi en ce moment à une œuvre d’où jaillirait un débat avec des intellectuels en plein milieu de la pièce. J’essaye de pousser au maximum l’hétérogénéité sur des questions formelles.


Quant à ces O.E.M, qu’est-ce qui te pousse à réutiliser les œuvres du passé ? Au final c’est quelque chose que l’on retrouve peu en musique. L’exemple le plus connu étant la Sinfonia de Luciano Berio.


Premièrement c’est un hommage. Ces O.E.M sont une manière pour moi de remercier tous les artistes dont je vais utiliser la matière, même les compositeurs que je n’apprécie pas particulièrement. Tous m’auront marqué dans mon parcours de musicien.

Deuxièmement, au regard de la situation écologique, la question du recyclage me paraît pertinente. Que peut-on faire aujourd’hui de cette matière musicale qui existe, au-delà des énièmes réinterprétations ?

Ce qui m’intéresse avec les O.E.M, c’est de pouvoir établir un système de composition qui va travailler sur la gradation de la modification esthétique : jusqu’à quel point garde-t-on ou bien perd-t-on la source ? Je trouve cette question passionnante et cela est très souvent lié au contexte. On tombe alors dans le domaine de la psycho-acoustique.


Il y a dans ce travail de citation une sorte de clin d'œil pour celui qui connaît l'œuvre que tu cites. À quel point acceptes-tu qu'un auditeur aura ou n’aura pas cette référence ?


C’est une question à laquelle j’ai toujours du mal à répondre. D’un côté lorsque j’écris, je ne pense pas au public. La deuxième partie de la réponse est d’ordre un peu plus philosophique, c’est ce que Michel Serres nomme la dimension pansémique de la musique, c'est-à-dire le fait que la musique puisse incarner une infinité de sens. C’est une pensée forte mais aussi vertigineuse. On peut ainsi se trouver dans des situations où, malgré la grande attention portée à la perception du sens insufflé dans la musique, les auditeurs en saisissent quelque chose de complètement différent. Cela ne me pose absolument aucun problème car l’œuvre existe grâce à la pensée sous-jacente qui la fonde. Ce qui est important c’est le partage, et ce n’est pas parce que je ne pense pas au public lorsque je compose que cette notion ne m’est pas primordiale. Une œuvre ne prend vie que lorsqu’elle est partagée.



Parlons du lien qui existe entre ta musique et la littérature en prenant comme exemple « Black Village » (2019), une œuvre scénique pour récitant et six instruments. La pièce s’inspire du roman éponyme d’Antoine Volodine qui a la particularité de présenter plusieurs récits qui s’interrompent soudainement. Comment as-tu pensé musicalement ces interruptions ?

Ma première lecture d’Antoine Volodine (alias Lutz Bassmann, pseudonyme sous lequel il signe Black Village publié en 2017) remonte à 1999 avec son ouvrage « Des anges mineurs ». Il a toujours nourri mon travail de composition par la manière qu’il a d’inventer des formes littéraires. Volodine travaille par exemple sur ce qu’il nomme des « narrats » et qu’il définit comme des instantanés romanesques qui fixent une situation ou une émotion. Ce sont des éléments que j’ai tentés de transcrire musicalement. Il joue avec les proportions de temps : en caricaturant un peu, on pourrait imaginer que le plus grand narrat, écrit sur dix pages, traite d’un événement qui a lieu en une seconde, et à contrario, une situation écrite sur une demie page s’étalera sur cinq millions d’années. Cette fixité et la mise en regard de ces différentes temporalités vont créer du sens.

La question de transcrire musicalement les narrats interrompus de Black Village me permet d’affirmer ce que je ne suis pas, à savoir un compositeur du développement, au sens classique du terme. Je cherche plutôt à répondre au paradoxe « comment créer du temps musical à partir de quelque chose d’immobile et d’éléments fixes ». Sur cette question, les compositeurs spectraux nous ont beaucoup appris : le temps est une durée à la fois quantifiable et subjective qui peut être affectée par des phénomènes psycho-acoustiques et j'aime essayer de jouer sur ces paradoxes.


La découverte du Japon et de toute la spiritualité liée au temps a forcément été un événement déterminant.

Évidemment cela a constitué un tournant. La première pensée forte à laquelle j’ai été confrontée est celle du « tokowaka », un principe japonais lié au shintoïsme qui signifie « toujours jeune » et qui implique que les grands temples shinto soient construits et reconstruits à l’identique à intervalle de temps réguliers. C’est le cas par exemple du sanctuaire d’Ise Jingu où l’édifice principal est détruit et reconstruit à l’identique tous les vingt ans. On ne peut pas mieux représenter l’infini dans l’éphémère. C’est une manière de percevoir le temps qui n’est pas du tout proche de la nôtre. Je regardais l’autre jour un documentaire extraordinaire sur le peintre Akeji, maître de la calligraphie, disparu en 2018 et qui a vécu dans un ermitage au milieu de la nature. Il disait : « le temps n’existe pas ». C’est une pensée bouleversante !


Alors comment l’incorporer musicalement ?


C’est un travail un peu démesuré où plane le risque de tomber dans une forme de métissage ou d’appropriation culturelle. C’est une question délicate ce rapport avec la culture japonaise… Je ne veux surtout pas tomber dans le cliché des couleurs pentatoniques et si je devais le faire, je préfèrerais jouer avec les connotations. Un philosophe qui m’a beaucoup aidé sur ce sujet est François Jullien (philosophe français né en 1951). Lui-même s’est déporté dans un autre cadre, en l'occurrence la pensée chinoise et cela lui a permis de se confronter à une autre vision du monde pour mieux revenir et porter le regard sur notre société occidentale. Ce qui est très singulier dans cette manière de faire, c’est qu’il n’est jamais question de copier, d’imiter ou d’essentialiser, mais plutôt de comprendre que les deux existent et de prendre conscience de l’écart entre ces deux pensées. L’écart est quelque chose de dynamique, qui maintient les deux éléments en tension. C’est beaucoup plus intéressant que la comparaison ou la différence.

A titre d’exemple, je cite une pièce avec laquelle j’ai passé mon prix au CNSMDP, sorte de petit opéra pour chanteuse no, ensemble et électronique « Himitsu no neya ». Une première version avait été donnée pour mon prix de composition, qui a été reprise dans une seconde version augmentée de vingt minutes à Nagoya en 2016. C’est à ce moment que j’ai tenté de rapprocher formellement ce concept des temporalités japonaises avec l’idée de Volodine, pour aboutir à cette fixité qui crée des perceptions temporelles différentes.



Pour revenir au lien entre forme littéraire et musique, on parle souvent chez toi de l’ironie, notamment dans une pièce pour voix, piano et percussions « Thé®is » (2014).


Il est forcément plus simple de travailler sur l’ironie lorsqu’il y a du texte ou de la vidéo : je pense par exemple au travail formidable de Simon Steen-Andersen que j’ai eu le plaisir de découvrir l’été dernier à Royaumont où nous étions tous deux professeurs invités. Pour la pièce « Thé®is », je ne pense pas que l’ironie surgisse uniquement dans le texte mais également par le fait de faire côtoyer un stylophone avec un air de Rameau…

On pourrait aller jusqu’à dire qu’il y a quelques pièces « comiques » dans mon catalogue mais elles sont presque toujours liées à la présence de texte. Je me rappelle d’un projet avec l’écrivaine Lise Charles, pensionnaire tout comme moi à la Villa Médicis, où nous avions proposé une installation qui s’articulait autour d’un test de moralité. Chaque auditeur devait choisir une réponse à un cas de figure qui lui était présenté. Il recevait alors un portrait musical principalement composé d’O.E.M issus de la 40e symphonie de Mozart. C’était assez drôle à réaliser.

Tu mentionnes l’ironie mais j’aimerais parler de l’anecdote qui inspire beaucoup mon travail en ce moment. L’anecdote me parait au final tout sauf anecdotique, en tout cas elle a une potentialité autre. Elle permet de donner de l’importance aux choses qui semblent ne pas en avoir.

La pièce « Un regret de bouillabaisse » pour violoncelle et chef cuisinier est inspirée d’un passage du livre « Cuisine de Provence » d’Henri Philippon. Y figure une anecdote rapportée par Léon Daudet dans laquelle Claude Debussy aurait dégusté une bouillabaisse dans un restaurant provençal et où il aurait glissé à la cuisinière que sa bouillabaisse était si exquise qu’il voulait composer un « chant pour un regret de bouillabaisse ». Ce qu’il n’a évidemment pas fait mais c’est là d’où provient le titre et le projet compositionnel de ma pièce.

Ma pièce pour ensemble avec deux saxophonistes de sexe féminin « Zero Syd Barrett And Two Girls Playing Saxophone » est inspirée de l’anecdote rapportée par Jean Michel Espitallier où Syd Barrett, alors évincé des Pink Floyd, aurait proposé de se faire remplacer par deux filles jouant du saxophone.

Même chose pour Black Village, où j’ai demandé aux musiciens de jouer des briquets, métaphore du début du livre où l’un des personnages brûle une de ses graisses sur son doigt pour s’éclairer. À partir d’une anecdote, on a un fil rouge et un point structurant que l’on va retrouver tout au long de la pièce.



Nous avons évoqué tes nombreux projets avec des écrivains ou poètes mais j’aimerai terminer en évoquant un autre projet transdisciplinaire que tu mènes avec la vidéaste Jennifer Douzenel.


Nous nous sommes retrouvés avec Jennifer autour de la question du silence. Jennifer tourne des vidéos silencieuses et j’avais envie de traduire un silence sonore en une vibration visuelle.

Il y a eu une première expérience lors de ma résidence au théâtre Cornouaille (Quimper) avec un concert de l’Ensemble Linea qui avait interprété trois de mes pièces. De manière générale mes pièces finissent toujours avec un silence agrémenté d’un point d’orgue, afin d’habiter ce silence avant les éventuels applaudissements. J’avais envie de tester si ce point d’orgue pouvait être prolongé par une vidéo de Jennifer. Ce premier test a plutôt bien fonctionné et j’ai reçu par la suite une commande de l’Ensemble 2e2m où j’ai proposé un projet avec Jennifer. Cela a débouché sur la pièce « Baïnes » d’une durée d’environ cinquante minutes. J’avais envie de tenter des choses : pendant les quinze premières minutes c’est une écriture très verticale, très dense puis survient la vidéo d’un mascaret d’une dizaine de minutes dans le silence. Je souhaitais interroger l’horizontalité face à la verticalité et je reconnais que cela a pu déstabiliser une partie du public. Mais il me semblait important de ne pas tomber dans un rapport illustratif, une sorte de commentaire musical en rapport à l’image. J’ai privilégié une mise en regard, avec encore cette question de l’écart qui m’est chère.





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